| humans vs wild C'est encore arrivé — le genre d'erreur qu'on est censé faire une seule et unique fois, mais qu'il tient à réitérer chaque semaine, au péril de sa vie et de sa santé mentale. C'est encore arrivé — et il a beau fouiller les bois gris de ses yeux morts, rien à faire, son chemin s'est définitivement effacé. Vivante, la forêt, il en est sûr ; on ne piège pas quelqu'un à dix reprises sans le vouloir ardemment, et Hide n'était pas n'importe qui.
Les parties de cache-cache s'éternisent entre lui et sa conscience lacérée, plus il marche et moins il a l'impression d'avancer — c'est une spirale dans laquelle il s'est perdu de son plein gré, le sourire aux lèvres et le canon d'un flingue collé contre la tempe. Un flingue tenu par l'allégorie de ses souvenirs démantelés, la gâchette frottée par le doigt de leur retour ; il a peur Hide, sans le dire. Peur d'avoir fait un nombre incalculable de conneries en trois ans, peur d'être le responsable de sa vue achromatique et de son œil soit-disant rouge — il a peur d'être un roi maudit parmi les épargnés, et cette peur s'accroche à lui comme une véritable sangsue, malgré ses efforts pour l'enterrer au plus profond de son esprit.
Le paquet de marshmallows en main et la mine dépitée, il peine à sortir son téléphone portable et le dilemme survient — qui appeler, qui pourrait lui venir en aide sans froisser son orgueil déjà maltraité par les années aux côtés de Seek, Clochette et Lloyd ? Probablement personne, au premier abord. Mais il connaît, il sait qui pourrait obéir à ses ordres sans rechigner et, avec un peu de chance et d'autorité, sans remettre en question sa place de roi des humains.
Fierté déchirée par sa perdition en terrain inconnu, il frappe rageusement le nom à quatre lettres affiché sur son portable, et les bips lui semblent assez longs pour qu'il en meure dix fois avant qu'enfin, le déclic retentisse dans ses tympans. « Pose pas de question et ramène tes fesses dans la forêt de l'ouest, j'suis pas loin d'une maison de chasseurs, ça doit être proche de l'entrée sud j'ai pas marché longtemps — j'crois ? — t'as intérêt à me trouver vite ma poule. » Et il raccroche sans plus de cérémonie, l'orgueilleux humain ; il feint l'assurance, comme si le lieu de réunion était volontaire alors qu'il n'en est rien.
Par miracle, ou parce que la forêt s'est décidée à être clémente, il finit par apercevoir la petite pousse sautillante — il aurait pu lui caresser la tête et lui tendre un os plein de bonne volonté, si la tension d'être mis à mal par un rassemblement d'arbres ne le rendait pas quelque peu nerveux. Et il déglutit en soupirant un « allons-y » avec toute la sûreté du monde, s'engageant sur un sentier aussi précaire qu'à peine visible à ses iris détraqués ; c'est probablement pour ça qu'il ne lui faut pas plus d'une poignée de minutes pour se retourner vers Scar, pensif.
« Bon, considère que jte fais confiance pour te lâcher tout ça. Je suis quasiment sûr que cette forêt est plus vivante qu'elle le laisse croire, et aussi qu'il y a une caravane au milieu — me demande pas pourquoi, j'en suis sûr. Le problème, c'est que j'ai jamais réussi à la trouver, justement parce que ces putains d'arbres veulent pas. » Et il n'est ni sérieux ni convaincant, mais presque sûr que son discours fera mouche. « Camarade, on doit trouver cette caravane et se faire une orgie de marshmallow. »
Et s'il la trouvait — pas la caravane, il attend plus une clairière sans danger de tout faire flamber —, il y retournerait avec les autres, histoire de se rappeler que l'île leur appartenait. Il y tient, il y tient tant qu'il s'y est paumé une bonne demi-douzaine de fois, les mirettes toujours brillantes de conviction. « Enfin bref, ça fait un bon moment qu'on marche et je sais pas du tout où on est. » Léger sourire, le genre de sourire débile qu'il sort en toute circonstance ; il aurait pu l'incarner le sourire, à force de l'afficher jusque dans les moments les plus tragiques.
« J'espère que t'as pas peur du noir. » Le soleil se couche — doucement. La nuit ? Une horreur, pour le nordique. Mais montrer ça à sa subordonnée, plutôt mourir. Ven 5 Aoû - 1:36 | | | |
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